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Le 5 février 2015, hôtel Lord Elgin, Ottawa Allocution du ministre Jean-Marc Fournier à l'occasion de la rencontre des comités de concertation en matière de francophonie canadienne

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Mesdames et Messieurs,
Présidents et Directeurs généraux des organismes pancanadiens, provinciaux et territoriaux de la francophonie canadienne
et Membres du Forum des leaders,

Nous avions prévu une réunion pour recevoir vos commentaires concernant nos programmes en francophonie canadienne ainsi que pour échanger sur l’orientation à prendre en vue de la célébration du français pour le 150e anniversaire de la Fédération.

Cela dit, un autre sujet nous interpelle de façon plus actuelle, et je propose de l’aborder d’entrée de jeu. Après tout, il n’est pas inutile de se parler des « vraies affaires », comme on dit!

Je veux revenir sur la cause du Yukon, pour corriger certaines perceptions et conclusions.

Nous partageons une même conviction : le fait français est partie intégrante de l’identité canadienne et il représente un gage d’avenir pour le Canada de demain.

Les francophones ont exploré, découvert et façonné le Canada. Ils ont joué un rôle déterminant dans la fondation et la construction de notre pays.

Les francophones font partie de l’ADN du Canada. Nos ancêtres nous ont laissé une appartenance et une identité francophones, et nous avons le devoir de perpétuer cet héritage.

Le rayonnement de la langue française, partout au Canada, est un élément essentiel à la prospérité politique, économique, sociale et culturelle du pays.

Et, je le dis comme Québécois, elle est un élément essentiel de notre appartenance.

Le Québec, en tant que seul État francophone en Amérique du Nord, est au cœur de la francophonie canadienne. II se reconnaît une responsabilité particulière à l’égard des communautés francophones et acadiennes et entend continuer à faire preuve de leadership au bénéfice du fait français.

Évidemment, je sais que certains d’entre vous en doutent, depuis que le gouvernement du Québec a pris position dans l’affaire de la Commission scolaire du Yukon.

Ce n’est pas la première fois que la position du gouvernement du Québec ne correspond pas à celle qu’auraient souhaitée les communautés francophones et acadiennes.

Cela dit, ne cherchez pas à conclure de notre position quelque manifestation de désintérêt ou même de renoncement face à notre francophonie.

Si nous partageons tous les mêmes objectifs, nos moyens d’action peuvent parfois être différents.

La voie juridique est souvent un moyen d’action utile; un moyen d’action que vous avez raison d’avoir pris, compte tenu de la nature de vos organisations.

Étant membre d’une législature provinciale, le moyen d’action que nous devons choisir est différent.

Lorsque la question soumise est de savoir si une règle de droit doit être émise par un gouvernement ou par un tribunal, il est évident qu’en tant que gouvernement ayant le pouvoir de légiférer sur son territoire, par obligation, celui-ci choisira de défendre sa souveraineté.

Le Québec se doit de préserver sa capacité d’action ainsi que son autonomie législative. Il se devait donc d’intervenir comme il l’a fait dans l’affaire en cours. Selon nos juristes, l’asymétrie en matière de souveraineté législative ne constituait pas une avenue utile.

Bien sûr, la situation des francophones dans les autres provinces est différente de celle des anglophones au Québec : les premiers sont des minorités parmi une majorité, les seconds constituent une minorité au sein d’une minorité elle-même menacée.

Si les tribunaux sont utiles pour assurer aux communautés francophones l’accès aux services qui leur sont garantis dans la Charte, ce ne sont pas les seuls piliers décisionnels de notre société. Les gouvernements, eux, peuvent choisir d’élargir la portée de ces droits.

En tant que gouvernement, nous pouvons partager avec les autres notre vision, pour créer une vision commune qui se développera dans un esprit de collaboration.

C’est ce que le Québec a fait en novembre dernier, en signant une déclaration historique portant sur la francophonie canadienne avec le gouvernement de l’Ontario, dans laquelle on consacre la valeur fondamentale de notre langue dans notre pays et dans laquelle on traite des compressions survenues à la Société Radio-Canada, de l’offre de services en français par les provinces et territoires et de l’immigration francophone. Si l’on a inscrit ces enjeux déterminants pour la francophonie canadienne dans cette déclaration, c’est qu’ils nous intéressent et sont cruciaux. J’aurai l’occasion de vous en reparler un peu plus tard.

Nous voulons continuer dans cette voie de collaboration interprovinciale.

La semaine dernière lors du Conseil de la fédération, le premier ministre du Québec a rencontré le premier ministre du Yukon pour partager avec lui notre vision de la francophonie canadienne.

Lors de cette réunion, à laquelle j’assistais, nous avons indiqué la valeur fondamentale du français au Canada. M. Couillard a fait état de la Déclaration de Toronto.

Le premier ministre du Yukon nous a indiqué qu’il connaissait les besoins en éducation et en santé de la communauté. Quelques jours plus tôt, Radio-Canada nous informait de l’intention du ministre de l’Éducation d’offrir des services accrus pour soutenir l’éducation en français.

Je ne saurais vous dire quelles en seront les suites à court terme, mais nos souhaits — et c’est le sens de la démarche du premier ministre du Québec — sont que chaque gouvernement puisse accepter d’offrir plus de services en français que ce que prescrit la Constitution comme obligation minimale.

D’ailleurs, d’autres gouvernements l’ont fait.

Pour conclure sur ce sujet, permettez-moi de dire que je comprends votre déception; elle est justifiée. Mais ne confondez pas « déception » avec une perception d’abandon de la part du Québec.

Le Québec est plus que jamais déterminé à faire la promotion de la francophonie et à promouvoir les droits des 2,6 millions de francophones et francophiles, d’un océan à l’autre.

Nous avons certes différents forums pour faire valoir nos droits, mais notre vision commune d’une francophonie forte et porteuse pour l’avenir est bien ancrée.

Je vous ai dit un mot sur la déclaration signée par le Québec et l’Ontario — que j’appellerai la « Déclaration de Toronto » — le 21 novembre dernier.

Nos provinces partagent 400 ans d’histoire francophone commune depuis la fondation de la ville de Québec, en 1608, et les voyages de Champlain en Ontario, en 1615.

Elles faisaient toutes deux partie de la Nouvelle-France. Et, au fil des ans, nous avons développé des liens solides ainsi qu’une étroite collaboration et coopéré dans différents domaines.

C’est dans cet esprit de solidarité qu’a été signée cette déclaration, dans laquelle nous nous engageons à travailler conjointement et étroitement, de concert avec les autres gouvernements au Canada, à la promotion, à la protection, à la pérennité et à la vitalité du fait français. Cette déclaration s’appuie sur une vision commune enracinée dans l’Histoire et tournée vers l’avenir, soit un Canada de collaboration, d’ouverture et de confiance, et sur la conviction que notre coopération est indissociable de l’épanouissement de la langue française au pays et de la création d’un espace francophone fort et dynamique, ici et dans le monde.

Ce geste est, à mon sens, crucial pour la francophonie canadienne et marque un moment historique. En effet, deux provinces, qui exercent depuis 1867 un leadership important au sein de la Fédération canadienne, reconnaissent que la francophonie canadienne est l’une des caractéristiques fondamentales de l’identité canadienne et entendent travailler à sa reconnaissance et à son rayonnement et profiter de toutes les possibilités et occasions qui se présenteront pour la protéger et la promouvoir.

Cette déclaration se veut un instrument rassembleur et d’influence autour d’enjeux déterminants pour l’avenir du fait français au Canada et d’actions à mener dans des domaines stratégiques pour la francophonie canadienne.

Voici les domaines stratégiques ciblés dans la déclaration : d’abord, Radio-Canada.

Les interventions que je fais concernant la Société Radio-Canada, conjointement avec ma collègue de l’Ontario, Madeleine Meilleur, et, plus récemment, avec la ministre Francine Landry, du Nouveau-Brunswick, concourent à mettre en œuvre notre vision du Canada et de la francophonie canadienne.

Les compressions effectuées dans les services en français à Radio-Canada sont inacceptables. Nos interventions visent à nous assurer que cette institution fédérale sera sauvegardée et qu’elle obtiendra les ressources nécessaires qui lui permettront de jouer pleinement son rôle quant au rayonnement du fait français, à travers le pays. Elle est l’un des piliers de la francophonie, reflétant la réalité et les besoins particuliers des francophones, d’un océan à l’autre. Si nous avons réussi à préserver la langue française et notre culture, c’est grâce à des institutions comme Radio-Canada.

D’ailleurs, une motion reconnaissant le rôle essentiel que joue Radio-Canada pour la pérennité de la langue française et de la francophonie canadienne et pressant le gouvernement fédéral de lui fournir les moyens nécessaires afin qu’elle puisse remplir ses obligations a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale du Québec, le 26 novembre dernier.

Nous allons poursuivre nos actions dans ce dossier, car Radio-Canada joue un rôle essentiel dans l’avenir de notre pays et de notre identité et dans le développement et la vitalité des communautés francophones et acadiennes.

Par ailleurs, l’immigration francophone constitue un élément clé pour la vitalité des francophones d’un bout à l’autre du pays, et il est urgent d’agir.

Tout doit être mis en œuvre pour que le niveau d’immigration francophone corresponde au poids relatif des francophones dans la population.

Le Québec souhaite contribuer à l’essor d’une immigration francophone vivante permettant le maintien du poids démographique des francophones partout au Canada et entend poursuivre activement ses actions, de concert  avec les autres gouvernements, pour que le gouvernement fédéral s’assure d’atteindre cette cible.

Un mot sur le 150e anniversaire de la Fédération, en 2017.

Je crois que nous devons profiter de ce rappel historique pour dire et célébrer l’avenir que nous voulons.

Notre francophonie est constamment en mouvement et en évolution et doit demeurer dynamique et refléter le mieux possible les intérêts des francophones et francophiles.

Je crois qu’il faut profiter de toutes les occasions pour souligner la contribution essentielle de la francophonie canadienne à l’enrichissement du Canada, particulièrement à l’aube du 150e anniversaire de la Confédération, en 2017.

C’est dans cet esprit que je vous invite à réfléchir à des projets ou des initiatives qui pourraient être mis de l’avant pour souligner et célébrer l’essence francophone du Canada, d’ici 2017, et à des perspectives qui s’offrent pour renforcer la francophonie canadienne. Vous aurez l’occasion d’en discuter en tables rondes, demain.

Je souhaite aussi recevoir vos commentaires à l’égard de nos programmes de soutien financier en matière de francophonie canadienne.

Nos deux programmes de soutien financier en matière de francophonie canadienne permettent actuellement de financer annuellement, bon an mal an, environ 300  projets et l’enveloppe budgétaire est de 2,3 millions de dollars.

À cela, faut-il rappeler que nous investissons aussi 2 millions de dollars pour soutenir les activités du Centre de la francophonie des Amériques?

Le Programme de coopération intergouvernementale (PCI) est mis en œuvre dans le cadre des accords bilatéraux de coopération que le Québec a signés avec l’ensemble des gouvernements des provinces et des territoires, lesquels prévoient que les projets soutenus font l’objet de contributions financières équivalentes de la part de chacun des gouvernements. La contribution actuelle des gouvernements est souvent inégale et irrégulière.

Il me semble que cette approche doit être dynamisée.

Par ailleurs, le Programme d’appui à la francophonie canadienne (PAFC) permet aux organismes de la société civile du Québec et des communautés francophones et acadiennes de déposer, deux fois par année, des projets visant le renforcement des liens entre francophones et Québécois et Québécoises ainsi que la vitalité du fait français au Canada.

Au cours des dernières semaines, nous avons amorcé une réflexion concernant ces programmes, afin que nos actions et nos collaborations répondent davantage aux besoins et défis des communautés francophones et acadiennes et qu’elles soient plus structurantes pour l’avenir.

Dans son action, le Québec ne peut faire cavalier seul. Il a besoin de l’appui des autres gouvernements, et, à cet égard, nous souhaitons renforcer notre coopération intergouvernementale afin de ratisser plus large.

Dans le contexte où le gouvernement du Québec procède à un examen détaillé de tous ses programmes, cette réflexion prend tout son sens. Nous devons nous assurer que les sommes investies par le gouvernement du Québec, à même l’argent des contribuables québécois, permettront la réalisation d’initiatives les plus porteuses et structurantes possibles et que celles-ci seront appuyées par d’autres partenaires.

Au fil des ans, nous avons constaté que les deux programmes de soutien financier atteignent leurs objectifs, mais qu’on pourrait y apporter des améliorations afin de mobiliser davantage les acteurs concernés, d’appuyer plus de projets porteurs et structurants et de permettre une action plus proactive du SAIC et de ses partenaires gouvernementaux pour faire émerger plus d’initiatives reflétant la francophonie canadienne que nous souhaitons pour le Canada de demain.

Voici quelques-uns de ces constats :

  • Entre 2010 et 2014, 42,5 % des projets soutenus dans le cadre du PAFC et 78,6 % de ceux qui ont été soutenus dans le cadre du PCI ont reçu une aide inférieure à 5 000 dollars;
  • Depuis 2010, parmi les 990 projets financés, près de 62 % touchaient le domaine des arts et de la culture et 19 % celui de l’éducation. Peu de projets touchent les nouveaux axes de coopération telles l’immigration, la petite enfance, la jeunesse et les nouvelles technologies de l’information, par exemple;
  • Le lancement de deux appels de projets annuellement, dans le cadre du PAFC, laisse peu de place à l’accompagnement des organismes par le SAIC, en amont et en aval des projets soutenus;

Enfin, les gouvernements ne sont pas informés des projets financés par le SAIC sur leur territoire, dans le cadre du PAFC.

Nous cherchons à accroître la coopération entre le Québec et les gouvernements des provinces et des territoires, à laquelle serait associé l’organisme porte-parole de la province ou du territoire concerné.

C’est une bonne façon d’inscrire la promotion de la francophonie dans l’agenda des gouvernements.

Nous croyons aussi qu’il faut favoriser la réalisation d’initiatives plus structurantes et à long terme en culture et en éducation, mais aussi en matière d’immigration, de petite enfance, de développement économique, etc.

De plus, nous souhaitons poursuivre et accroître nos actions et nos collaborations avec les organismes pancanadiens de la francophonie canadienne, afin de travailler de concert à l’émergence et à la réalisation de projets pancanadiens et multirégionaux structurants qui s’échelonneraient sur une période plus longue, soit deux ou trois ans, par exemple.

Nous voulons avoir vos commentaires; je sais qu’ils seront francs et directs.

La secrétaire adjointe à la francophonie canadienne vous présentera de façon plus détaillée ces nouvelles orientations, plus tard, aujourd’hui, et je prendrai connaissance avec grand intérêt des commentaires que vous formulerez aux tables rondes, qui se tiendront demain, à ce sujet.

Je vous remercie de votre collaboration et vous assure de mon amitié et de ma solidarité.

Jean-Marc Fournier
Ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne